Les brumes du souvenir

Il est une légende qui s'est perdue dans les brumes du temps... A travers elle vivait le souvenir d'Aerloth, une Elfe qui consacra ses pouvoirs à la lutte contre un pouvoir supérieur au sien. Elle fut brisée, et oubliée... Mais pas de tous.

Noir. Froid. Nuit... Aerloth s’éveilla d’un sommeil sans repos, suivie par les ombres, mais la réalité ne pouvait transparaître au-travers d’un rêve. Au milieu des ténèbres sans fin de Barad-Dûr, l’Elfe attendait. Ils l’avaient trouvée. Ils l’avaient amenée. Et ils l’avaient enchaînée dans une obscurité telle que même la lumière des étoiles ne pouvait lui parvenir... Seule désormais, elle savait qu’elle ne pourrait s’enfuir, et l’ombre dévorait son esprit. Mais elle connaissait aussi la mesure de la perfidie du Seigneur Ténébreux, et même si la priver de lumière la faisait déjà souffrir, Aerloth savait qu’il n’en resterait pas là. Oui... Elle allait mourir.

Elle s’était battue pour libérer ses terres et ceux qu’elle aimait, mais l’ombre l’avait finalement rattrapée... Aerloth ignorait la raison pour laquelle ils l’avaient gardée en vie mais elle savait que ce n’était assurément pas un traitement de faveur. Des larmes glissèrent le long de sa joue... pas tant par peur de la mort que par impuissance. Son combat n’aurait servi à rien... Elle se battait au nom de l’espoir, mais la flamme d’espoir dans son coeur avait depuis longtemps été soufflée par les ténèbres omniprésentes. Elle pensait qu’un jour son peuple et tous les autres pourraient à nouveau contempler une Soleil radieuse... A présent, même son sacrifice lui semblait vain.

Pourtant... Aerloth savait qu’elle devait vouer sa vie à cette cause. Elle voulait tellement changer les choses... Qu’avait-elle échoué ? Si seulement elle pouvait tout recommencer... Sa vie d’Elfe, depuis le début. Elle avait connu la joie autant que la souffrance, qui l’avaient rendue plus forte. Si tout était à refaire... Aerloth revoyait à présent tous les moments de son existence. Elle entendait au loin les rires, les chants de son enfance... Elle tâchait de s’y raccrocher, de disparaître dans ses souvenirs mais ils étaient si troubles... Les larmes coulaient en torrent depuis ses paupières closes. Elle implorait Nienna qui comprenait ses souffrances, de lui rendre ses souvenirs pour repousser l’ombre...

Puis elle sentit l’espoir renaître en elle, minuscule lueur qui devenait de plus en plus vive. Les Valar la soutenaient, et son destin n’était pas de périr inutilement. Elle trouvait un peu de lumière encore au fond de l’obscurité, et l’utilisa pour éclairer ses souvenirs. Elle sentait confusément qu’ils pourraient la sauver... Ils semblaient reprendre vie devant elle. Et mieux elle les voyait, plus son âme s’évadait de la forteresse. Elle retournait dans les souvenirs clairs de son passé. Tout ce qu’elle devait faire, c’était recommencer sa vie... Cependant, elle se doutait que si tout se produisait à l’identique, elle se finirait de même. Mais ce n’était pas sa vie qu’elle devait changer... C’étaient ses joies et ses peines qui l’avaient créée ainsi, et sans elles sa vie n’aurait pas eu plus de sens. Peut-être... Qu’en changeant juste son nom...

Aerloth était plongée dans une transe profonde lorsque la porte du cachot s’ouvrit. Mais elle ne vit pas la sombre créature qui y entra, pas plus que celle-ci ne vit l’Elfe, entourée d’un halo surnaturel. Son esprit s’en retournait dans le temps... A cet instant où passé, présent et futur étaient intimement mêlés, l’Elfe sut qu’une seconde chance lui serait donnée. Elle n’était plus que l’espoir au fond de son coeur, qui grandissait jusqu’à l’emplir toute entière. Elle s’évaporait devant le serviteur des ténèbres, aveuglé, et ne fut bientôt plus qu’une flamme qui disparut bientôt, dans un souffle : "ù-’wannon !"

Aerelloth ouvrit les yeux. L’espace d’un instant, son esprit avait été troublé par une sombre vision... Elle ne s’en souciait guère. Pas un jour comme celui-ci ! C’était une toute jeune Elfe, et elle allait célébrer ses dix années aujourd’hui : une fête avait été organisée dans les vertes clairières du Lindon, et ses proches s’étaient donné rendez-vous. La Soleil brillait au-dessus des arbres, dans le bleu de l’azur... Elle portait une couronne de fleurs sauvages par-dessus ses cheveux tressés, et ses yeux clairs riaient. Mais il lui semblait oublier quelque chose... Et ce curieux murmure à son esprit : "ù-’wannon"...